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Agenda

Evénement

le 18 juin 2022

Réception de Jacques Mourier

Alain Balsan, Benoît Charenton

Discours par Benoît Charenton

Cher Jacques,

C'est à moi qu'il incombe aujourd'hui de te recevoir et de te souhaiter la bienvenue au sein de l'Académie drômoise.

Il me faut pourtant préciser en préambule que l'initiative de te convier dans notre académie revient à notre confrère Alain Balsan. L'idée lui en est venue, m'a-t-il dit, au terme d'une conversation par messagerie électronique, l'été dernier, portant sur les rapports entre Valence et le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle. Il s'agit en effet de l'un des thèmes de recherche du conseil des sages de Valence, dont il assure la co-présidence. Voilà bien un sujet qui ne pouvait laisser indifférent un passionné d'hagiographie et de vie des saints comme toi - nous allons y revenir.

C'est ce qui explique que tu bénéficies aujourd'hui de deux parrains pour te souhaiter la bienvenue. Je m'efforcerai donc de parler en notre nom commun pour honorer notre " co-filleul " (pour reprendre l'expression forgée par Alain), tout en apportant à mon propos une touche personnelle.

En cherchant un " fil rouge " pour bâtir mon discours, j'en suis arrivé à une idée finalement très simple. Je suis très heureux d'accueillir, dans le bâtiment même des Archives, un collègue dont je n'ai fait la connaissance que très récemment, car je n'ai mis " un visage sur un nom " que l'année dernière. Pourtant, le nom de Jacques Mourier m'était déjà familier depuis de nombreuses années : ta réputation a précédé le moment de notre rencontre de presque vingt ans (soit le temps depuis lequel je fais ce métier…) et je ne pense pas être le seul, parmi les archivistes, à pouvoir faire ce constat.

Je me propose donc de te présenter rapidement aux confrères à l'aide de courts " chapitres ", pour mieux retracer ton parcours.

Jacques Mourier, les origines : notre nouvel académicien est né à Bourg-de-Péage en 1960, d'une famille paternelle originaire de la Loire mais fixée anciennement dans la Drôme et d'une famille maternelle d'ascendance ardéchoise qui a migré ensuite dans la vallée de Galaure.

Sa famille s'installe à Tain-l'Hermitage, où il effectue sa scolarité, poursuivie de l'autre côté du Rhône, au lycée de Tournon. Il entre ensuite en prépa à Paris, au lycée Henri IV, puis à l'École des chartes en 1980. Il en sort en 1984, muni du diplôme d'archiviste paléographe avec une thèse intitulée " Tournon : étude des structures urbaines (vers 1420-vers 1520) " et est reçu major à l'issue du stage international qui clôturait alors la scolarité.

C'est à l'École des chartes qu'il rencontre son épouse Sophie Malavieille, que je suis heureux de saluer aux côtés de son mari. Sophie et Jacques (l'un ne va pas sans l'autre) forment un couple bien connu dans la profession qui en compte, il est vrai, un assez grand nombre !

Jacques Mourier l'archiviste : à sa sortie de l'école, notre nouveau confrère choisit d'exercer essentiellement en archives départementales, dans différents postes : à Saint-Pierre-et-Miquelon, puis comme directeur-adjoint aux Archives départementales de l'Isère, aux côtés de son épouse. Sophie, Jacques et moi partageons d'ailleurs le privilège d'appartenir à un club très fermé : celui des anciens adjoints des Archives de l'Isère " et de l'ancienne province du Dauphiné " (pour reprendre leur intitulé exact). De mon temps, Jacques et Sophie y faisaient tous deux figure de " grands anciens ", y ayant laissé le meilleur souvenir.

Jacques poursuit ensuite sa carrière comme directeur des Archives départementales de la Meuse (où il a produit un remarquable guide des fonds imprimé, souvent cité), puis de l'Indre et Loire. Il trouve également le temps de repartir à Saint-Pierre-et-Miquelon, en 1992, pour une mission de sauvegarde des archives ravagées par un incendie.

Jacques Mourier, le pédagogue : ayant toujours été proche des établissements d'enseignement dans ses différents postes (qu'il s'agisse de l'université ou d'IUT) pour y dispenser des heures de travaux dirigés ou de vacation, il finit par " sauter le pas " à partir de 1999, comme maître de conférences en archivistique, histoire des institutions et fonds d'archives à l'Université de Toulouse II, au sein du département " archives et médiathèque - IUP Ingénierie documentaire ". Il y assure des cours du DEUG à la maîtrise et occupe les fonctions de co-directeur du DESS " Archives et Image : les technologies du numérique ".

Ayant pu côtoyer plusieurs collègues passés par ce DESS, tout m'ont dit avoir été marqués par l'enseignement dispensé par Jacques - l'un de ces professeurs que l'on n'oublie pas.

Jacques Mourier l'historien : ses recherches, qu'il trouve le temps de mener tout au long de sa carrière, portent essentiellement sur l'histoire des mentalités et l'édition de textes,

avec une nette prédilection pour les langues anciennes et vernaculaires. Il peut ainsi se rattacher à la glorieuse tradition d'édition de textes de l'École des chartes, et à la fière de devise de ses adeptes : " Mourir pour une virgule, trépasser pour un point " ! Son projet de thèse de doctorat, élaboré du temps de ses années grenobloises mais qui n'a pu être mené à son terme, s'intitulait ainsi " Langue, culture et société en Dauphiné-Vivarais du XIII e au XVI e siècle ".

On lui doit aussi de nombreux articles d'histoire locale en lien avec les différents postes qu'il a occupés. J'ai le souvenir d'avoir beaucoup utilisé l'un d'eux, consacré aux archives des communes, publié dans la revue grenobloise La Pierre et l'Écrit en collaboration avec une collègue des Archives de l'Isère. L'article apportait en particulier d'utiles renseignements sur les courciers et les parcellaires, ces registres cadastraux anciens très répandus en Dauphiné qui constituent souvent un fleuron des archives de nos communes.

Aujourd'hui retraité à Saint-Uze, Jacques n'a rien perdu de son dynamisme et de sa soif de connaissance. Pratiquant quotidiennement le " petit latin " (ou le " petit grec "), il poursuit plusieurs projets de recherche portant aussi bien sur la Drôme que sur l'Ardèche, avec une prédilection pour la zone Vivarais-Tournonais.

À court et moyen terme (2022 et 2023) verront ainsi le jour une édition des notes et souvenirs d'un collégien puis étudiant à Valence, Tournon et Grenoble entre 1824 et 1830, Jacques de Montal (que notre ami surnomme familièrement " le petit Montal ") ainsi qu'une édition des sources relatives à deux notaires tournonais du XV e et du XVI e siècles, Jean Gros et Jean Cussonel.

Après 2023 viendront des travaux entamés depuis quelques années mais inachevés faute de temps : une étude sur Euphémie de Chalcédoine, martyre orientale du début du IV e siècle (" entre légende et réalité : sources et témoignages "), une édition et traduction de la visite pastorale du diocèse de Lyon en 1469 ainsi que l'édition de divers textes en langue vernaculaire à partir de sources tournonaises).

Après avoir entendu pendant des années, de loin en loin, le nom de Jacques Mourier, je suis donc particulièrement heureux de le saluer " en chair et en os " et de lui souhaiter la bienvenue dans notre compagnie, en notre nom à tous.

Je suis certain de me faire l'expression de plusieurs confrères en lui disant que nous espérons surtout lire bientôt le produit de ses recherches : qu'il n'oublie pas que les colonnes de nos revues d'histoire locale lui sont grandes ouvertes !

Réponse par Jacques Mourier

Réponse à l'éloge des parrains

Madame la Présidente,

Mesdames et Messieurs les académiciens,

Chers parrains Alain Balsan et Benoît Charenton,

Je voudrais tout d'abord vous remercier de m'accueillir aujourd'hui au sein de votre Académie. Drômois de ­naissance, bien que n'ayant pas habité ce département toute ma vie pour des raisons professionnelles, revenu aujourd'hui vivre dans le village d'origine de ma mère, Saint-Uze, je pense avoir quelque légitimité à me joindre à vous et à travailler au cours des mois et années à venir à l'enrichissement de la connaissance de notre territoire.

Il est vrai, comme vient de le souligner mon confrère Benoît Charenton dans son discours qui retrace bien ce que fut ma carrière au sein des institutions patrimoniales et universitaires, que mes travaux ont porté surtout sur le département voisin de l'Ardèche et, au gré de mes différents postes en Archives départementales, sur des sujets historiques proches du terrain où je me trouvais.

Même éloigné de la Drôme, où je revenais régulièrement voir ma famille, j'ai toujours pris un très grand plaisir à son histoire et plus généralement à celle du Dauphiné. J'ai d'ailleurs passé plusieurs années à Grenoble, aux Archives départementales de l'Isère et de l'ancienne province de Dauphiné, à oeuvrer à la bonne conservation du patrimoine écrit local.

J'avoue être particulièrement touché et même ému de me trouver aujourd'hui, pour ma réception comme académicien, aux Archives départementales de la Drôme qui sont un lieu très symbolique pour moi et ce dès les tout débuts de ma vocation. En effet, en 1974, étudiant au lycée de Tournon en classe de seconde, alors que j'avais déjà en tête l'idée de me consacrer à la conservation des archives et de me préparer à intégrer peut-être un jour l'École nationale des chartes, par goût des langues anciennes au départ puis de l'histoire, en intégrant un petit groupe interne à l'établissement chargé d'organiser une exposition sur l'histoire du lycée, j'ai eu la chance de faire mes premières visites de services d'archives et de me rendre dans ce nouveau bâtiment de Valence, récemment inauguré à l'époque.

Après cette première visite, j'ai souhaité en savoir plus et c'est ainsi que j'ai rencontré bientôt son directeur Gérard Ermisse, qui m'a donné les premières clés de connaissance du monde des archives. Sur ses conseils, je suis venu régulièrement travailler dans la salle de lecture pour " me frotter " à des dépouillements de documents ; au passage je me souviens qu'une des premières liasses que j'ai consultée était celle de la Société académique et patriotique fondée en 1784-1786, ­ancêtre spirituelle de notre Académie actuelle. Plus tard, lorsque j'ai intégré l'École nationale des chartes, j'aurais pu choisir un sujet de thèse touchant la Drôme, mais la directrice de l'époque Michèle Nathan-Tilloy m'a plutôt orienté vers le Vivarais médiéval. Tout en travaillant régulièrement à Privas, je suis revenu régulièrement ici même, à Valence, pour dépouiller les documents majeurs qui y avaient été provisoirement transportés depuis Privas. Plus tard, j'y ai fait encore d'autres visites pour des expositions (épidémies, guerre de 1914-1918) ou des réunions professionnelles. Parmi les quelques articles scientifiques que j'ai rédigés, je retiendrai celui consacré à un procès de dérogeance de noblesse en 1408 à Tain-l'Hermitage : "Nobilitas, quid est ?" Je revois Michèle Nathan m'attendant à l'automne 1984 devant l'hôtel de ville de Tain pour sélectionner quelques liasses du fonds communal, rapportées provisoirement à Valence, afin de me permettre de travailler dans des conditions plus favorables que que dans le grenier de la mairie.

Parmi les divers travaux d'éditions de textes que je mène aujourd'hui, je dois citer en priorité la préparation de la publication des notes et de la correspondance d'un jeune Valentinois, Jacques Cuisin de Montal, autour de sa scolarité depuis le collège de Valence jusqu'à l'université de Grenoble, en passant par le Collège royal de Tournon dans la seconde moitié de la Restauration. Il sera donc question dans cet ouvrage de sa vie tournonaise, mais de nombreuses passages, identifications de personnages et de lieux concerneront la Drôme.

C'est un moment de grand plaisir pour moi car, comme tous les historiens qui se sont consacrés un jour au genre biographique, je m'aperçois qu'on s'identifie très vite au personnage étudié ; voilà pourquoi, en guise de conclusion, je finirai mon propos avec quelques lignes d'une lettre en date du 25 juillet 1825 (légèrement remaniée par mes soins), lorsque Théophile Dupré La Tour, ami valentinois du "petit Montal", comme je l'appelle, lui écrivait au collège de Tournon pour le féliciter de sa nouvelle nomination au sein d'une société ou académie interne à l'établissement. Dans les lignes que j'ai ­sélectionnées, vous pourrez voir combien il lui promettait un bel avenir, de bons moments de joie et de fierté. Pénétrant chaque jour un peu mieux la psychologie de Jacques de Montal, je sais qu'il a dû être très sensible à ces propos épistolaires et fier d'avoir occupé quelque temps une fonction d'académicien. Sans doute plus modeste que lui, je n'en éprouve pas moins un grand plaisir à faire partie aujourd'hui de votre honorable assemblée. Je laisse donc la parole à Théophile :

" Valence, 25 juillet 1825. Mon cher ami. Je te fais mon compliment bien sincère sur ta nouvelle dignité de membre de l'Académie et je crois que ton petit amour propre doit être assez flatté d'un si beau titre. Tu vas briller maintenant, tous les yeux, tous les regards seront désormais fixés sur toi. Chacun se demandera : quel est ce jeune homme ? Comment s'appelle-t-il ? On se dira : voyez comment sa figure annonçait de grands moyens ! Qu'il faut qu'il ait d'instruction pour être élevé à un emploi si important ! Toutes les jeunes demoiselles considéreront Monsieur l'académicien. Remarquez sa douceur ! dira l'une. Comme tous ses traits dénotent un bon cœur ! dira l'autre. Mais pouvez-vous ne pas faire attention avec quelle grâce, quelle aisance, quelle noblesse il s'avance vers l'estrade ! dira une troisième, et ce sera certainement la plus jolie. Et toutes les autres applaudiront et les mères chuchoteront ensemble, se parleront à l'oreille, se montreront l'une à l'autre… Ainsi, dans le poste éminent que tu occupes, tu peux t'attendre à fixer l'attention et les applaudissements de toute l'assemblée."

Quant à moi, en ce 18 juin 2022, je vous rejoins avec un immense plaisir.

Diaporama

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