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Agenda

Evénement

le 20 juin 2015

Réception de Fabien Lacaf

Le 20 juin 2015 à Pont-de-Barret, l'Académie drômoise accueillait un nouveau membre, Fabien Lacaf.

Discours de réception de Bernard Foray-Roux

Chères consoeurs, chers confrères,

Ma chère Nelly,

Mon cher Fabien,

Parodiant Boileau, je pourrais dire : "Enfin Lacaf vint !" tant il était temps que la bande dessinée soit représentée dans notre docte académie. Il est révolu le temps où l'on s'interrogeait pour savoir s'il s'agissait bien d'un art et si nous étions encore dans la littérature et je pense que l'Académie Française ne mettra pas longtemps à nous emboiter le pas.

Il n'y a plus une seule maison d'éditions qui n'ait sa propre collection de bandes dessinées (même mes très rigoureux collègues d'Actes Sud ont franchi le pas) plus une émission littéraire, à la radio ou à la télévision, qui n'invite régulièrement les meilleurs dessinateurs. Quant aux salons, conférences, expositions, galeries et même musées on ne les compte plus quand ce ne sont pas les commissaires-priseurs qui découvrent le "neuvième art" avec une planche de Tintin vendue 2,5 millions d'euros. Il est loin le temps où j'allais me cacher de mon agrégé de père pour lire Bibi Fricotin ou Fripounet et Marisette. Aujourd'hui la bande dessinée attire les meilleurs dessinateurs et peintres, les meilleurs scénaristes et écrivains, et, de ce fait, draine un public de plus en plus nombreux et exigeant. De plus l'artiste est enfin reconnu comme en littérature. Autrefois on lisait un Pieds Nickelés sans se soucier du dessinateur (Forton, Pellos ou Lacroix), aujourd'hui, on lit le dernier Sfar, Tardi ou Lacaf sans se soucier du sujet, comme on lit le dernier Nothomb ou d'Ormesson.

Enfin, disais-je car la bande dessinée est un art pluri-centenaire. Sans aller chercher les hiéroglyphes égyptiens ou la tapisserie de Bayeux, nombreux ignorent que la BD (comme on dit) est née en Chine et au Japon dès le vie siècle. Les Emakimonos étaient des rouleaux de papiers ou de tissus sur lesquels une suite de dessins accompagnés de texte racontaient une histoire qu'on lisait en déroulant la bande... dessinée ! Les thèmes abordés étant très souvent pornographique ou scatologique les rouleaux furent baptisés "images dérisoires", en japonais "manga". Cet art très ancien est aussi universel et s'il y a encore fort peu de compositeurs asiatiques ou africains en musique classique, on trouve, depuis longtemps, de nombreux dessinateurs de BD en Corée, au Sénégal, au Pérou ou en Islande, bref aux quatre coins du Monde. Et comme la bande dessinée cesse, petit à petit, d'être un art misogyne, alors "oui" il était grand temps qu'elle pénètre les académies artistiques et notre association ouvre la voie (Louis Ageron).

L'homme qui nous rejoint est né en 1954, au pied de la Tour Eiffel, des amours de deux artistes. Le père Fernand, décédé en 1991, est céramiste et sculpteur (on peut contempler ses oeuvres au musée national de Sèvres ou plus près de nous à celui de Cruas). Françoise, la maman, est décoratrice et peintre, toujours en activité du côté de Saint-Thomé en Ardèche où elle réside depuis 1975.

Fabien commence sa vie professionnelle en se tournant vers les arts plastiques et le cinéma (avec Eric Rohmer et Jean Mitry) mais s'en détourne à 22 ans pour se passionner pour l'archéologie. De 1976 à 1984 il travaille pour le musée de l'Homme au Pérou, en Bolivie et surtout au Mexique dans la région du Chiapas. Il revient à ses premières amours, le cinéma, en travaillant avec le chef-décorateur Jacques Dugied sur le Peau d'Âne de Jacques Demy. Entre temps il a rencontré Nelly Moriquand, une briançonnaise, qu'il épousera en 1978.

Fabien est un touche à tout et va s'essayer comme photographe, graphiste et même chanteur ! Il fréquente les cabarets parisiens et c'est là qu'il rencontre, dans les années 80, de jeunes dessinateurs de BD comme Loisel, Cothias ou Cabanes. Ils fondent ensemble l'atelier Bergame et Fabien entre, rapidement dans la presse BD d'avant-garde (Charlie Mensuel, Métal Hurlant, Bayard Presse).

1985, publication de son premier album "Le château de Fontainebleau" avec Serge Letendre et en 1987, parution chez Dargaud de "La reine noire", d'après Jean Orieux, sur un scénario de Nelly Moriquand, premier opus d'une longue et prolifique collaboration.

Lors d'une visite aux parents en Ardèche, Fabien emmène Nelly découvrir la Drôme. C'est le coup de coeur ! Entre Montagne et Provence, entre Briançon et Saint Thomé, prés d'une gare pour le travail, leur choix se porte sur Piégros la Clastre où ils s'installent, en 1988, après deux ans de construction de leur maison-bois.

De cette arrivée en Drôme naîtra Pêcheurs d'étoiles toujours avec Nelly au scénario. Publié par Glénat, le livre raconte l'histoire d'un marinier du Rhône vers 1900.

Dès lors les BD vont se succéder et Fabien, avec ou sans Nelly, n'hésite pas à se frotter à tous les genres avec une prédilection pour l'Histoire comme dans Les flammes de l'archange sur le Mont Saint-Michel, Le mystère Tour Eiffel, Les enfants cachés sur l'affaire Finaly, Bayard, Mandrin, ou La traque qui se passe à Grignan mais aussi l'histoire de l'hôtel Carlton (celui de Cannes, je vous rassure). Fabien tatera aussi du polar avec Macadam, par exemple, puis se tournera vers la montagne qui tient, aussi, une place importante dans son oeuvre avec récemment La fiancée du Queyras et Les amants de l'Oisans.

Parallèlement à cette carrière littéraire, Fabien n'a pas oublié le cinéma et sa rencontre (grâce à Sylvie Giono) avec Jean-Paul Rappeneau lui ouvre les portes du story-boarding en clair cela consiste à dessiner un film avant le tournage pour en définir tous les plans, les décors, les personnages, leurs mouvements, leurs costumes et même l'angle de champ de la camera. Ce sera Le hussard sur le toit que suivront 33 films avec les plus grands et dans tous les genres : Astérix contre César avec Claude Zidi, Vatel avec Roland Joffé, L'emmerdeur avec Francis Veber, Faubourg 36 avec Christophe Barratier ou Rose et Noire avec Gérard Jugnot sans compter le Monsieur N d'Antoine de Caunes consacré à Napoléon et adapté en livre avec Nelly.

La liste est longue et vous avez envie de souffler un peu ? Pas lui dont les projets fourmillent de la suite de Pêcheurs d'étoiles à une adaptation des Pieds Nickelés au cinéma en passant par un polar consacré à Gustave Courbet et son Origine du monde dans la collection Grands Peintres chez Glénat.

C'est cette carrière croisée entre bande dessinée et cinéma qui lui vaudra de devenir professeur de BD et de story-boarding à la célébrissime école Émile Cohl de Lyon, de 2008 à 2013.

Le portrait de l'homme ne serait pas complet si je n'évoquais pas ses adorables et dynamiques filles, Amélie et Noémie, toutes deux diplômées de l'École nationale de musique de Villeurbanne. La première est connue pour ses groupes musicaux 90C et maintenant Billie et la deuxième vient de former son propre ensemble baptisé Morikan avec un K.

Voilà, vous en savez un peu plus sur celui qui nous rejoint aujourd'hui : un grand de la bande dessinée qu'il faudra vous habituer à voir débarquer sur sa 750 Moto-Guzzi casque intégral sous le bras et Nelly en amazone.

Diaporama

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