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Agenda

Evénement

le 18 fevrier 2014

Assemblée générale à Dieulefit

Le 25 janvier 2014 à Dieulefit, l'Académie drômoise accueillait un nouveau membre, Pierre Boncompain.

Réception de Pierre Boncompain. Discours de Jacques Estour

C'est pour moi un grand honneur d'accueillir, en votre nom à tous, Pierre Boncompain dans notre académie.

Valentinois de naissance et de jeunesse, Drômois estival dans sa demeure de Faucon, Pierre appartient à une lignée familiale, où la culture et l'art étaient sa deuxième vie.

Son père, Claude Boncompain, était membre de notre académie.

Ses écrits, ses romans, ses dialogues avec un autre académicien, mon oncle Maurice Damez, avaient marqué ma jeunesse. Après ses études secondaires au lycée Emile Loubet à Valence, puis au collège Saint-Joseph d'Avignon, Pierre entre à l'École Nationale Supérieure des arts décoratifs, dont il sort major de promotion.

Il intègre ensuite l'École Nationale Supérieure des beaux-arts en 1963, dans l'atelier de Raymond Legueult.

Son activité de peintre démarre dès son adolescence. Il profitait de ses séjours à Fongrand (Livron), à Vaux-sur-Mer, pour réaliser ses croquis au "noir" sur de mauvais papiers. Ses portraits d ‘alors pouvaient être des vaches ou de charmantes jeunes filles de Valence.

Ses premières expositions sont réalisées dans la Drôme, chez André Bost, à la galerie Sapet, puis au musée de Valence. Sa notoriété croissante lui permet ensuite de participer en quarante ans à environ 130 expositions, en France d'abord, puis dans le monde entier : Europe, Amérique du Nord, Amérique du Sud, Japon, Chine. Cet automne 2013, il avait encore deux expositions, l'une à New-York, l'autre à San Francisco.

Concernant l'ensemble de ses œuvres, j'ai beaucoup aimé les propos de l'académicien Michel Déon :

"Un bel artiste dispense la sérénité. Enfermé seul dans une pièce avec une toile de Boncompain, il suffit de poser un instant son regard sur ces bleus magistraux, ces jaunes ensoleillés et ces rouges brûlants, pour que la paix s'empare de nous."

C'est d'ailleurs mon sourire du matin, devant la toile de son épouse Colette, allongée sur un canapé. Sa passion pour son épouse se retrouve dans nombre de ses œuvres : quelle sérénité !

Les créations de Pierre englobent aussi des tapisseries, des lithographies et des céramiques, dont on a pu avoir un aperçu cet été 2013 dans son exposition de Montélimar.

Pour conclure, je devrais citer les nombreuses publications de Pierre (huit ouvrages), les illustrations de onze livres de grands auteurs comme Gide, Colette, Marcel Pagnol ou ­Maurice ­Genevoix ; et citer enfin les nombreux prix dont il a été honoré.

Cher ami Pierre, nous sommes heureux de ta participation à notre Académie.

Nous te souhaitons la bienvenue.

Remerciements de Pierre Boncompain

Mesdames, messieurs les académiciens, chers amis.

Je suis très touché et honoré de rejoindre votre académie. J'ai été impressionné par l'activité intellectuelle et les recherches de chacun d'entre vous qui sont l'expression d'une passion et d'une curiosité. Que je vous dise d'abord que le peintre travaille dans le silence. Matisse conseillait aux jeunes artistes : " vous voulez faire de la peinture ? Commencez par vous couper la langue car désormais vous ne devez vous exprimer qu'avec vos pinceaux ". Je ne me suis pas coupé la langue, mais ce préambule pour vous dire que la prise de parole n'est pas l'exercice dans lequel un peintre est le plus à l'aise.

Je remercie Jacques Estour de son parrainage. Directeur de la chambre de commerce de Valence et créateur de la jeune chambre économique, Jacques a contribué à dynamiser notre région. Son parrainage me dynamise. Jacques a évoqué mes déplacements lointains, mais je crois que le lieu où l'on a vu le jour, où l'on a vécu enfant, nous marque à jamais. J'ai retenu cette anecdote qui rapporte que Cézanne visitant l'exposition d'un peintre Drômois (je ne sais pas lequel) aurait déclaré : " C'est très bien, mais ce type peint comme s'il était de nulle part ". Je rejoins le propos de Max Jacob qui dit : " Le poète doit chanter dans son arbre généalogique ".

J'ai sillonné la Drôme. Je ressens ce besoin de contact avec la nature afin que mon œuvre ne soit pas pure création intellec­tuelle et parce que je ne peux me passer du tilt de l'émotion. Bien que pratiquant la nature morte, le nu ou la figure, si j'insiste particulièrement aujourd'hui sur le paysage, c'est que vous attendez de moi une déclaration d'amour à la Drôme. Eh bien oui, la Drôme est le plus beau des départements, si varié, qui va des terres froides du côté d'Anneyron, du Dauphiné avec le Diois et le Vercors jusqu'à la Drôme Provençale. Quelle diversité, quelle beauté !

Il y a dans ce travail sur le motif une sorte de corps à corps avec le paysage. Il faut se battre contre le vent, engager une course avec la lumière qui tourne, l'ombre portée de la colline qui gagne, l'orage qui menace. Dans ces sorties je suis tout à coup débarrassé de tous les soucis de la vie, je deviens poreux à la Drôme, je ne m'occupe que d'elle. Je suis comme le pêcheur à la ligne qui n'a d'yeux que pour le bouchon. D'ailleurs, un jour, un paysan s'est approché de moi et m'a demandé : "Alors, ça mord ?" Je me souviens d'avoir planté mon chevalet en bordure d'un pré où paissaient des vaches. De proche en proche j'ai vu les vaches se rapprocher de moi. Je me suis retrouvé cerné par les vaches, peignant pour un public de vaches. Pas de train à l'horizon à regarder passer. J'étais leur train. J'ai pensé que la fermière le soir, à l'heure de la traite serait déçue.

Parfois la recherche du motif m'entraînait assez loin. Je me souviens de ce jour de juillet où je me suis retrouvé à l'extrême sud du département, sur le plateau de Valensolles. Moment presque mystique. Tout à coup j'étais ailleurs, entre deux ciels, le ciel bleu couleur de paquet de gauloises au-dessus de moi, et à mes pieds les lavandes déroulées comme un ciel couché. J'entendais les voix lointaines des cueilleurs de lavandes qui me parvenaient amorties, comme d'un autre monde.

Proust raconte sa contemplation d'un buisson d'églantines qui lui semble dévoiler un sens, une présence cachée. Une ­seconde, il croit comprendre l'ordre secret du monde. À mon tour j'étais très loin de la Drôme, au-dessus égaré dans le bleu pur d'une fresque de Fra Angelico. L'espace d'un instant, j'ai cru entrouvrir la porte du paradis.

Entrouvrir la porte du paradis, c'est ce que je cherche à faire dans mes tableaux. La Drôme m'y aide.